Acquisition de congés payés pendant les arrêts de travail : nouveautés législatives
- Est-ce qu'un salarié cumule des congés payés au cours d'un arrêt de travail non professionnel ?
- Quelles sont les règles d'acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie au regard des Directives européennes ?
- Qu'en dit la jurisprudence française ?
- Qu'en dit le Conseil constitutionnel ?
- Que prévoit la nouvelle loi applicable depuis le 24 avril 2024 concernant l'acquisition de congés payés au cours d'un arrêt maladie ?
- Est-ce que les nouvelles règlementations ont un effet rétroactif ?
L'acquisition des congés payés au cours d'un arrêt de travail est un sujet ayant récemment connu de nombreuses évolutions, mais qu'en est-il réellement et que prévoit la nouvelle loi définitivement adoptée le 10 avril et applicable depuis le 24 avril 2024 ?
Est-ce qu'un salarié cumule des congés payés au cours d'un arrêt de travail non professionnel ?
Auparavant, les salariés ne pouvaient pas acquérir des jours de congés payés durant un arrêt de travail non professionnel, et ce conformément aux dispositions prévues par le législateur à l'Article L. 3141-5 du Code du travail.
En effet, ce dernier prévoyait que seules les périodes de suspension du contrat de travail en raison d'accident du travail ou de maladie professionnelle étaient assimilées à du travail effectif et, par conséquent, permettaient l'acquisition de congés payés.
Quelles sont les règles d'acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie au regard des Directives européennes ?
L'Article 7 de la directive européenne 2003/88, prévoit que tout salarié a droit à des congés payés annuels d’une durée minimale de 4 semaines.
Sollicitée afin de délivrer une interprétation de ce texte, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a affirmé que les salariés étaient en droit d'acquérir des congés payés pendant un arrêt de travail aussi bien professionnel que non professionnel.
Toutefois, le Gouvernement français n'a pas souhaité modifier la législation en vigueur, pourtant contraire aux Directives européennes.
Qu'en dit la jurisprudence française ?
C'est ainsi, que contre toute attente, le juge français effectue un revirement de jurisprudence le 13 septembre 2023.
En effet, au cours de deux arrêts de la Cour de cassation, il écarte l'application de l'article L. 3141-5 du Code du travail en considérant que :
- Les absences pour maladie non professionnelle doivent ouvrir droit à l'acquisition de congés payés ;
- Les arrêts de travail consécutifs à un accident de travail ou une maladie professionnelle et d'une durée supérieure à 1 an ininterrompu, donnent droit à l’acquisition de congés.
Il va même au-delà des Directives européennes, puisqu'il affirme que les salariés devraient bénéficier de 5 semaines de congés payés par an dans un soucis d'égalité.
Qu'en dit le Conseil constitutionnel ?
Ces décisions de jurisprudence ayant donné lieu à débat, deux questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées au Conseil constitutionnel le 17 novembre 2023 :
- Les dispositions du Code du travail, qui limitent globalement l’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie, méconnaissent-elles le droit au repos ?
- Les dispositions du Code du travail qui distinguent selon si le salarié est en arrêt maladie simple ou en arrêt pour maladie professionnelle, méconnaissent-elles le principe d’égalité devant la loi ?
Dans une décision n° 2023-1079 QPC rendu le 8 février 2024, le Conseil a répondu que le Code du travail était conforme à la Constitution française puisqu'il n'avait constaté aucune violation du principe de l'égalité ni du droit au repos.
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Que prévoit la nouvelle loi applicable depuis le 24 avril 2024 concernant l'acquisition de congés payés au cours d'un arrêt maladie ?
Face à autant de confusion, le législateur ne pouvait pas laisser les employeurs dans l'indécision.
Un projet de loi a donc été soumis au Conseil d'Etat qui a rendu son avis le 11 mars 2024 avant de faire l'objet d'un amendement transmis par le Gouvernement à l'Assemblé Nationale. Ce projet a finalement été définitivement adopté par les sénateurs et les députés le 10 avril 2024. La loi est dorénavant applicable depuis le 24 avril 2024.
Le législateur prévoit notamment que le salarié acquiert 2 jours ouvrables par mois en cas d'absence pour maladie non professionnelle, dans la limite de 24 jours ouvrables par période d’acquisition des congés soit 4 semaines de congés (contre 2,5 jours de congés par mois pour cause de maladie professionnelle).
Au terme d’un arrêt de travail, l’employeur est tenu d'avertir le salarié concernant le nombre de jours de congé dont il dispose ainsi que la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris, et ce dans le délai d'un mois suivant la reprise du travail.
Le législateur prévoit également des nouvelles règles en matière de report des congés :
- Le salarié qui n'a pas pu prendre l'intégralité de ses congés payés au cours de la période de prise des congés, bénéficie d’une période de report de 15 mois débutant à partir du moment où il reçoit les informations sur le nombre de jours de congé dont il dispose et la date ultime de prise de ces jours de congé ;
- Une exception est toutefois prévue en cas d'arrêt de travail de longue durée : la période de report de 15 mois débute, non pas au moment de la reprise du travail, mais à la date d’expiration de la période de référence au titre de laquelle les congés ont été acquis.
Est-ce que les nouvelles règlementations ont un effet rétroactif ?
Les nouvelles règles concernant les absences pour maladie sont applicables à compter du 1er décembre 2009.
Pour limiter les demandes, le texte prévoit qu’un salarié ne sera fondé à solliciter des droits à congés payés supplémentaires au titre de la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi :
- Que pour les périodes de référence au cours desquelles il n’a pas pu bénéficier de 24 jours ouvrables de congés ;
- Et, uniquement dans la limite de 24 jours ouvrables, après déduction des jours déjà acquis.
Concernant le délai pour agir, ce dernier est de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Pour les salariés qui ne sont plus dans les effectifs de l'entreprise au moment de leur demande de régularisation, le délai de prescription est de 3 ans à compter de la date de fin du contrat de travail.
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