Reclassement professionnel : Une réaffirmation de la condition de précision ?

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Par Marie BRESSOL 15 janvier 2025
Sommaire

En octobre 2024, la Cour de cassation a pris une décision importante concernant le reclassement professionnel !

Alors que l’ordonnance de 2017 apportait une nouvelle approche de l’offre de reclassement en proposant que celle-ci puisse prendre la forme d’une liste, l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation précise la nécessité de respecter les précisions prévues par la loi.

Qu'est-ce qu'un reclassement professionnel ?

Quelle définition donner au reclassement professionnel ?

Le reclassement professionnel se définit comme une obligation pour l’employeur de trouver un poste plus adapté pour un salarié ne pouvant plus exercer ses fonctions dans les mêmes conditions que dans son emploi précédent.

C’est une obligation légale sans laquelle le licenciement du salarié se voit systématiquement requalifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, cela entraîner toujours le versement de dommages et intérêts.

Ce reclassement peut être opéré au sein de la même entreprise ou du même groupe d’entreprise, mais aussi et surtout dans un poste semblable au précédent en termes de salaire, de classification, etc.

Cette obligation s’applique à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur forme. Elle s’applique aussi pour tous les salariés, quel que soit leur type de contrat ou ancienneté.

Qui a le droit au reclassement ? Dans quels cas peut-on être reclassé (inaptitude suite à une maladie, licenciement économique) ?

Un reclassement professionnel peut intervenir dans le cadre d’une inaptitude ou lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés financières.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, il n’est plus en état physique ou mental de remplir ses fonctions telles qu’elles sont. Dans ce cas-là, l’employeur doit chercher à reclasser le salarié et dans le cas où cela échoue, l’employeur peut licencier le salarié dont il est question pour inaptitude.

Lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés financières, cela peut parfois l’obliger à fermer des postes. Dans ce cas-là, l’employeur doit chercher à reclasser le(s) salarié(s) et dans le cas où cela échoue, l’employeur peut licencier le(s) salarié(s) dont il est question pour licenciement économique.

Quelle est la procédure pour mettre en place un reclassement professionnel ?

La procédure de reclassement débute lorsque le salarié est déclaré inapte ou lorsque l’employeur commence à envisager un licenciement économique.

Dans ces deux cas de figure, l’employeur se voit obligé de chercher un moyen de reclasser son ou ses salarié(s). Alors l’employeur se voit dans l’obligation d’enquêter au sein de son entreprise ou au sein des entreprises du groupe dont il est membre pour essayer de trouver un poste équivalent à celui déjà occupé par le salarié.

Dans le cas où l’employeur ne trouve pas de poste équivalent à celui déjà occupé par le salarié, alors il peut opter pour un licenciement pour inaptitude ou pour motif économique. Attention, cependant, car dans ce cas de figure, l’employeur doit être dans la capacité de prouver l’incapacité de reclassement en cas de contestation. 

Dans le cas où l’employeur trouve un poste équivalent à celui déjà occupé par le salarié, alors il peut formuler une offre de reclassement qui doit être écrite, précise et adaptée aux capacités du salarié.

Lorsque la procédure est lancée pour une inaptitude du salarié, alors le médecin du travail doit confirmer la conformité du poste proposé aux capacités du salarié.

Lorsque la procédure est lancée pour difficultés économiques, alors les instances représentatives du personnel doivent être consultées avant que l’offre soit envoyée.

Quelles sont les options d'un salarié à qui l'on propose un reclassement ?

Puis-je refuser une proposition de reclassement ?

Oui, tout salarié, quelle que soit sa situation, est en droit de refuser une proposition de reclassement. En revanche, il faut savoir que cela ouvre la possibilité, pour votre employeur, d’opter pour un licenciement pour inaptitude ou pour motif économique s’il n’a pas d’autre poste à vous proposer.

Doit-on justifier un refus de reclassement ?

Non, il n’est pas nécessaire de justifier son refus de reclassement. Une lettre de refus simple en réponse à la proposition suffit amplement.

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Quelles sont les obligations de l'employeur dans le cas d'un reclassement ?

Est-ce possible de reclasser un salarié sur un poste nécessitant une formation ?

Non, les postes nécessitant une formation n’entrent pas dans le champ de l’obligation de reclassement. Dans un arrêt du 11 mai 2016 (1), la Cour de cassation a pu reconnaître que l’employeur n’est aucunement tenu d’assurer au salarié, frappé d’une inaptitude, une formation à un métier différent du sien.

Quels changements de salaire en cas de reclassement ?

Il ne doit pas y avoir de changement de salaire en cas de reclassement. L’employeur est tenu de maintenir le salaire du salarié et ce même si le salarié est reclassé sur un poste de catégorie inférieure à son poste précédent. En sachant que le salarié doit donner son accord explicite pour intégrer un poste de catégorie inférieure à celui qu’il occupait précédemment.

Combien de propositions de reclassement faire avant d'opter pour un licenciement ?

Il n’y a pas de nombre minimum ou maximum de propositions de reclassement avant d’opter pour un licenciement. Dès le premier refus, l’employeur a la possibilité de licencier le salarié s’il n’a pas d’autre poste à lui proposer.

Quelles sont les nouveautés en termes d’offre de reclassement ?

Comment notifier les offres de reclassement depuis l'ordonnance de 2017 ?

Jusqu’en 2017, l’employeur était obligé d’adresser ses offres de reclassement sous forme de lettre personnelle, ce qui pouvait s’avérer compliqué en cas de licenciement collectif.

Depuis l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 (2), l’employeur a la possibilité de diffuser « collectivement » et par tout moyen les postes disponibles pour reclassement.

L’article D.1233-2-1 du Code du travail (3) institué par cette ordonnance dispose alors :

«I.-Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine.

II.-Ces offres écrites précisent :

a) L'intitulé du poste et son descriptif ;

b) Le nom de l'employeur ;

c) La nature du contrat de travail ;

d) La localisation du poste ;

e) Le niveau de rémunération ;

f) La classification du poste.

III.-En cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.  La liste précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite. Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l'entreprise fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. L'absence de candidature écrite du salarié à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres. »

Que nous apprends la décision du 23 octobre 2024 en matière d'offre de reclassement ?

Le 23 octobre 2024, la Cour de cassation (4) a précisé les obligations liées à l’offre de reclassement.

Il était alors question d’une salariée qui, le 12 juillet 2019 recevait une offre de reclassement pour « réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité ». Celle-ci ayant refusé son reclassement, s’est vu licenciée dans le cadre d’un licenciement économique accompagné d’un contrat de sécurisation professionnelle qu’elle avait acceptée.

La procédure a donc débuté lorsque la salariée a contesté son licenciement devant le Conseil de prud’hommes sur le fondement de l’imprécision de l’offre de reclassement qui lui a été faite le 12 juillet 2019.

Dans le cadre de cette procédure, la cour d’appel avait condamné l’employeur sur le fondement que l’offre ne contenait pas :

  • L’activité de l’entreprise ;
  • Le nom et l’adresse de l’entreprise ;
  • La classification du poste proposé ;
  • D’informations sur le salaire.
  • Cela a été repris par la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi sur le fondement que l’offre ne contenait pas :

  • Le nom de l'employeur ;
  • La classification du poste ;
  • La nature du contrat de travail.
  • Celle-ci rappelant que l’absence de ces informations au sein d’une offre de reclassement constituait un manquement à l’obligation de reclassement, ce qui prive alors le licenciement de la salariée de cause réelle et sérieuse.

    Ainsi, cette décision du 23 octobre 2024 nous apprend que malgré la souplesse apportée par l’ordonnance de 2017 concernant le mode de transmission des offres de reclassement, la justice reste intransigeante sur les précisions à apporter dans les offres.

    Comment faire une proposition de reclassement professionnel (lettre, liste) ?

    Pour faire une proposition de reclassement professionnel il est nécessaire de rédiger une lettre personnelle ou une liste des postes disponibles au sein de l’entreprise ou du groupement.

    Aussi, quelle que soit la méthode choisie, il vous faudra être précis sur les conditions de l'offre en ce qui concerne :

  • L’intitulé du poste et son descriptif ;
  • Le nom de l'employeur ;
  • La nature du contrat de travail ;
  • La localisation du poste ;
  • Le niveau de rémunération ;
  • La classification du poste.
  • Si vous souhaitez opter pour la rédaction d’une lettre, vous pouvez vous aider de nos documents :

  • Lettre de proposition de reclassement pour inaptitude
  • Lettre de proposition de reclassement pour licenciement économique
  • Sources :

  • (1) Cass. Soc., 11 mai 2016, n°14-12.169
  • (2) Ordonnance du 2017-1387 du 22 septembre 2017
  • (3) Article L.1233-4 du Code du travail
  • (4) Cass. Soc., 23 octobre 2024, n°23-19.629