- Quels sont les signes et comportements religieux en entreprise ?
- Quel document de l'entreprise définit les règles concernant la religion ?
- Comment justifier la clause de neutralité au sein du règlement intérieur ?
- L'image de l'entreprise peut-elle justifier une interdiction religieuse ?
- Comment aborder le fait religieux en entreprise ?
Le fait religieux en entreprise n'est pas forcément un sujet abordé avec aisance entre la direction et les salariés. En effet, ce sujet d'ordre personnel peut engendrer de potentielles discordes au sein de l'entreprise privée. Comment aborder la liberté de croyance et la liberté de culte avec le monde professionnel ?
Gestion du fait religieux en entreprise : focus sur ce qu'il est possible de faire ou non à ce sujet, tant pour l'employeur que pour le salarié.
Quels sont les signes et comportements religieux en entreprise ?
Au sein d'une entreprise privée, la règle est telle que le principe de laïcité ne s'applique pas automatiquement, comme cela est le cas pour le service public. Il existe différents comportements religieux pouvant être mis en avant par un salarié, et selon les situations ce fait pourra être problématique au sein de l'entreprise. Ainsi, les faits suivants sont considérés comme des comportements religieux :
- Un salarié priant durant son temps de pause ;
- Un salarié qui refuse de serrer la main à une salariée ;
- Un salarié souhaitant imposer ses convictions et cherchant à convertir ses collègues (prosélytisme) ;
- Un salarié qui refuse de travailler sous les ordres d'une femme ;
- Un responsable ou un salarié ne sachant pas comment réagir face à un collègue qui prierait dans son bureau.
Certains comportements religieux de salariés peuvent avoir pour conséquence que ces derniers fassent l'objet de discriminations liées à leur appartenance à une religion, peu important le fait que cela soit par un collègue ou un manager.
De manière générale, le symbole religieux est celui qui sera considéré comme un moyen de montrer sa religion (instrument de visibilité d'une religion).
Suite à une étude rendue par l'institut Montaigne en mai 2021, les faits les plus fréquents de faits religieux en entreprise (liés à la religion) sont :
- les demandes d'absences ;
- les aménagements du temps de travail.
Il est ici nécessaire de préciser que l'employeur n'a aucune obligation quant au fait d'accepter un aménagement des horaires de travail ou une absence pour qu'un salarié puisse manifester/pratiquer sa religion. Cette décision est par ailleurs réaffirmée par la jurisprudence (Cass ; soc ; 16 décembre 1981, n° 79-41.300) (1).
Toutefois, en cas de demande d'absence ou d'aménagement du temps de travail, l'employeur devra procéder de la même façon que pour une demande de congés pour convenance personnelle. Il est aussi nécessaire de savoir qu'une convention collective peut prévoir des congés pour fête religieuse.
Quel document de l'entreprise définit les règles concernant la religion ?
Depuis le 1er janvier 2020, la mise en place d'un règlement intérieur est devenue obligatoire au sein des entreprises ou établissements ayant au moins 50 salariés durant une période effective de 12 mois consécutifs.
Ainsi, c'est au sein du règlement intérieur que l'on doit retrouver la ligne directrice de l'entreprise sur le fait religieux en entreprise. Le principe est tel que l'employeur ne peut pas interdire à un salarié de manifester sa religion, excepté dans certaines hypothèses. En effet, les entreprises ont la possibilité de rédiger une clause dite de neutralité. La neutralité s'entend comme l'absence de manifestation de ses convictions religieuses.
Cette clause permet notamment de restreindre la liberté de culte et donc l'expression de ses convictions religieuses au sein de l'entreprise. Toutefois, cette restriction devra répondre à certaines conditions dans la mesure où le principe de laïcité au travail et de neutralité n'est pas automatiquement applicable au sein des entreprises.
Une note de service peut aussi avoir la même portée qu'une clause insérée dans le règlement intérieur puisque les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes (selon les matières), en cas d'existence d'un règlement intérieur, sont considérées comme des adjonctions au règlement intérieur.
Comment justifier la clause de neutralité au sein du règlement intérieur ?
Laïcité en entreprise
En France, la laïcité est un principe fondamental qui est notamment repris par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. (2)
La clause de neutralité doit répondre à plusieurs conditions pour être valide. En effet, toutes les entreprises privées ne peuvent pas insérer cette clause sans avoir au préalable répondu à certains impératifs.
Dès lors, une entreprise pourra justifier cette clause soit par :
- une obligation de santé, d'hygiène et/ou de sécurité des salariés ;
- le fait que les salariés soient au contact de la clientèle et/ou en présence d'enfants.
Nature de la clause de neutralité
Dans la mesure où la liberté de religion est une liberté fondamentale, la mise en œuvre d'une clause de neutralité devra obligatoirement être à la fois :
- Justifiée par la nature de la tâche à accomplir ;
- Proportionnée au but recherché ;
- Générale et indifférenciée.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que cette clause ne devra pas viser une religion en particulier et/ou certains signes religieux. Elle pourra viser le port de tout couvre-chef par exemple.
Enfin, cette clause devra aussi être justifiée par une exigence essentielle et déterminante. Cette justification devra reposer sur une exigence objectivement liée à la nature et aux conditions d'exercice de l'activité professionnelle (santé/sécurité).
L'image de l'entreprise peut-elle justifier une interdiction religieuse ?
Une entreprise ne pourra pas légitimer la mise en œuvre de sa clause de neutralité sur le seul argument de ne pas vouloir entacher l'image de l'entreprise. Il en est de même concernant le fait de vouloir couvrir des souhaits particuliers de clients.
La jurisprudence a déjà été amenée à préciser qu'un licenciement ne peut être valide si, alors même qu'il n'existait aucune clause de neutralité au sein de l'entreprise, l'employeur a décidé de procéder au licenciement d'une salariée suite à l' interdiction orale qui lui avait été faite de ne plus porter son voile religieux lors de ses contacts avec les clients. Dans cette affaire, les juges rappellent que le souhait de l'employeur de prendre en compte la volonté d'un client de ne plus voir les services de l'employeur concernés par une salariée portant le voile, n'est pas considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante.
En somme, une préférence discriminatoire ne peut justifier une limitation à la liberté de manifester ses convictions.
Comment aborder le fait religieux en entreprise ?
Gestion du fait religieux en entreprise
Les entreprises ont différents moyens d'aborder le fait religieux au sein de l'entreprise. En effet, les managers devront être formés à la gestion du fait religieux en entreprise et connaître les règles légales applicables.
Dans un premier temps, la liberté de culte (pratique de ses croyances) ne doit pas impacter le bon fonctionnement de l'entreprise et donc l'organisation du travail de manière générale.
Ainsi, les managers doivent tous avoir reçu une certaine sensibilisation et un temps d'information au regard de la liberté de religion en entreprise. Les managers doivent être en mesure d'identifier certaines situations qui pourraient s'avérer problématiques et liées à la religion. Ainsi, certaines situations en lien avec la religion peuvent nécessiter une intervention managériale.
Quant aux salariés ils doivent être informés de ce qu'il est possible de faire ou non au sein de l'entreprise en matière de conviction religieuse et de liberté de culte.
A titre d'exemple, le fait qu'un salarié soit tenu à l'écart lors des moments de sociabilisation au sein de l'entreprise à cause de sa religion est considéré comme de la discrimination.
Actions et outils
L'employeur dispose de plusieurs moyens lui permettant de mettre en œuvre une meilleure gestion de sa politique relative au fait religieux. La gestion de la diversité doit être prise en compte dans sa globalité.
Les responsables doivent s'en tenir aux principes établis par la loi mais aussi par la doctrine. A titre d'exemple, des restrictions à la liberté de religion en entreprise pourront trouver leur justification dans le respect de l'organisation du travail, ou encore le fait d'adhérer à la stratégie commerciale de l'entreprise.
Source :
(1) Cass ; soc ; 16 décembre 1981, n° 79-41.300
(2) Article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958
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