En juillet 2022, la Cour de cassation a rendu un arrêt inédit concernant le harcèlement moral au sein de l'entreprise. Le harcèlement moral est une réelle problématique que l'employeur doit savoir gérer et ne pas encourager, sous peine de sanction.
Ainsi, les pratiques managériales doivent être en adéquation avec l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur. Focus sur le régime du harcèlement moral et l'apport de la jurisprudence en 2022.
Quels sont les signes d'un harcèlement moral au travail ?
Quels sont les 3 caractéristiques du harcèlement moral ?
La loi dégage différents principes concernant le harcèlement moral. En effet, des agissements de harcèlement moral perpétrés à l'encontre un salarié sont caractérisés de faute grave dès lors qu'il s'agit de faits précis et répétés.
Ainsi le harcèlement moral nécessite de la part du salarié harceleur :
- Des agissements répétés, peu important le fait que les faits soient espacés dans le temps ou non ;
- Un comportement interdit par la loi ;
- La dégradation qui en découle sur le salarié ou sur son environnement de travail.
Quel fait est considéré comme harcèlement moral ?
La loi ne dresse pas une liste exhaustive des faits sanctionnés en cas de harcèlement moral. En effet, c'est la jurisprudence qui a permis de détailler peu à peu les situations factuelles permettant de qualifier certaines situations de harcèlement moral.
A titre d'exemple, la Cour de cassation expose plusieurs situations où des agissements permettent de qualifier des cas de harcèlement moral, à savoir :
- Des appels téléphoniques ou messages intempestifs ;
- Des insultes répétées et régulières ;
- Des menaces de licenciement ;
- Une pression continuelle ;
- Des reproches incessants ;
- Une mise au placard, etc.
Quelles sont les principales conséquences du harcèlement moral sur le salarié ?
Ainsi, le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés (1) pouvant entraîner pour la personne les subissant l'une des situations suivantes :
- une atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- une dégradation / altération de sa santé morale ou physique ;
- une menace pour sa carrière ou son avenir professionnel.
A titre d'exemple, sur ce dernier point, le fait de compromettre ou de menacer l'avenir professionnel d'un salarié est caractérisé, dès lors que ce dernier subit des actions ou omissions ayant pour conséquence de faire perdre au salarié tout espoir d'évolution/promotion interne, ainsi que toutes sortes de comportements pouvant entraîner une remise en cause de sa position hiérarchique et donc de son avenir professionnel.
Par ailleurs, il appartient à l'employeur de prévenir toute situation de harcèlement au travail par le biais de mesures définies par la loi. Le code du travail précise en ce sens que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaire pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Les actions permettant à l'employeur de prévenir des cas de harcèlement (2) sont les suivantes :
- Des actions d'information et de formation ;
- La mise en œuvre de moyens adaptés et d'une organisation ;
- Des actions de prévention des risques professionnels, incluant aussi ceux constituant des facteurs de risques professionnels (contraintes physiques marquées, environnement physique agressif et certains rythmes de travail).
Que faire en cas de harcèlement ?
Dans l'hypothèse où le salarié serait victime de harcèlement moral, l'employeur doit veiller à respecter une certaine procédure permettant l'accompagnement du salarié victime de harcèlement moral. Dans la mesure où l'employeur doit assurer la protection de ses salariés, ce dernier devra être en mesure de prouver qu'il a bien satisfait à ses obligations en matière de santé et de sécurité.
Pour rappel, la loi rappel qu'aucun salarié ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte ou être sanctionné. Il en est de même concernant les personnes ayant de bonne foi, relatés ou témoignés de ces agissements.
Quel est l'apport de la jurisprudence 2022 sur le harcèlement moral ?
Par un arrêt rendu le 12 juillet 2022 n° 20-22.857, la Cour de cassation a apporté de nouvelles précisions quant aux méthodes managériales pratiquées au sein d'une entreprise, et de la position que détenait l'ensemble des supérieurs hiérarchiques sur ces pratiques. La responsabilité de la politique de l'entreprise et ce qui est cautionné ou non porte donc ici toute son importance.
En effet, il a été jugé que l'employeur doit immédiatement se désolidariser du manager harceleur dans le cas de pratiques managériales caractérisées de harcèlement moral. L'entreprise ne doit aucunement cautionner ce type de comportement, peu important le fait que cela soit admis par certains collaborateurs ou supérieurs hiérarchiques.
Dans une telle situation, le salarié ne pourra pas être licencié pour faute grave ou pour cause réelle et sérieuse, dans la mesure où son comportement était tout simplement le résultat d'une position managériale partagée et encouragée par l'ensemble des supérieurs hiérarchiques. Dans cette affaire, le salarié harceleur arguait que son employeur n'avait pas méconnu son comportement harcelant, ni ne l'aurait aussitôt réprouvé.
En définitive un employeur ne pourra licencier un salarié pour faute grave s'il avait bien eu connaissance de ces pratiques exercées au sein de l'entreprise admises par les supérieurs, et qu'elles n'avaient pas été instantanément sanctionnées.
Pour rappel, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations mentionnées au contrat de travail ou des relations de travail, d'une telle importance que le maintien du salarié dans l'entreprise est rendu impossible (3).
Attention donc aux pratiques managériales cautionnées et acceptées au sein des entreprises !
Source
(1) Article L. 1152-1 du code du travail
(2) Article L. 4121-1 du code du travail
(3) Cass ; soc ;27 septembre 2007, n° 06-43.867
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