Requalification d'un CDD: les sommes dues par l'employeur

Actualités du droit

Photo de Chloé Mondiro
Par Chloé MONDIRO 09 mars 2023
Sommaire

La chambre sociale de la Cour de Cassation a admis, dans deux arrêts du 8 février 2023 (1) (2), la requalification de deux relations de travail en contrat de travail à durée indéterminée (CDI). 

Dans ces deux arrêts, les juges sont venus rappeler les sommes dues par l'employeur en cas de requalification du contrat de travail.

Icone dossier rougeEmbaucher en CDD : notre dossier pour tout comprendre

Qu'est-ce que la requalification d'un CDD en CDI ?

Qu'est-ce que la requalification d'un contrat de travail ?

Le contrat de travail est un document écrit qui permet d'encadrer la relation de travail entre un employeur et son salarié.

C'est l'employeur et le salarié qui décide de la qualification de leur contrat de travail (CDI, CDD, CTT). Cependant, le juge n'est pas tenu par la qualification donnée par les parties et peut très bien procéder, sur demande, à la requalification du contrat de travail.

Ainsi, lorsque l'employeur ne respecte pas les obligations contractuelles, le salarié peut demander la requalification de son contrat de travail.

CDD ou CDI ?

À titre informatif,  le contrat de travail à durée indéterminée (CDI ) est la forme normale et générale du contrat de travail.

À l'inverse , le CDD constitue une  exception, son objectif n’étant pas  d’assurer la stabilité et la constance d’un emploi.

Il est reconnu pour être un contrat précaire, conclu pour une durée limitée.

Par conséquent, les conditions de validité d'un CDD sont très strictes. 

Dans quels cas un salarié peut-il passer d'un CDD à un CDI ?

Le contrat à durée déterminée, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (3).

De plus, l'employeur peut recourir au CDD uniquement dans les cas prévus par la loi.

Ainsi , le CDD peut être jugé irrégulier et requalifié en CDI si :

  • il concerne un emploi normal et permanent et non une tâche précise et temporaire ;
  • il n'entre pas dans le cadre de recours au CDD prévu par la loi (remplacement d' une personne, accroissement temporaire de l'activité, emploi saisonnier…) (4) (5) ;
  • il est conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ou pour effectuer des travaux dangereux (6) ;
  • il ne comporte pas de terme précis ou de durée minimale dans le cas où le CDD vise à remplacer une personne de façon temporaire (7) ;
  • il est conclu pour une durée qui dépasse la durée prévue par la loi (8) :
  • il ne respecte pas les conditions de forme du CDD: il ne fait pas l'objet d'un écrit et ne mentionne pas les mentions obligatoires prévues par la loi (justification du recours au CDD, élément essentiel d'un contrat de travail, absence de signature) (9) ;
  • la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée (10) ;
  • les conditions de renouvellement ne sont pas respectées ou si le CDD a été renouvelé plus de deux fois (11);
  • le délai de carence n'est pas respecté (12).

Icone dossier rougeTout savoir sur le contrat à durée déterminée

Comment s'obtient la requalification d'un CDI après un CDD?

La demande de requalification doit être faite à l'initiative du salarié.

Ainsi, le salarié doit saisir le conseil de Prud'hommes :

  • au cours de son CDD en cours d'exécution ;
  • après le terme du CDD.

Le bureau de jugement est saisi sur requête et dispose d'un délai d'un mois pour statuer.

L'action en requalification d'un CDD en CDI se prescrit par un délai de deux ans. Le point de départ de l'action dépend de l'irrégularité constatée.

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.
Notre newsletter juridique
Rejoignez-nous pour les dernières actualités juridiques chaque semaine

Quelles sont les conséquences d'une requalification du contrat de travail ?

Le non respect des conditions de recours au CDD entraine la requalification en CDI. Dans cette optique,  les juges de la Cour de cassation ce sont prononcés dans deux arrêts du 8 février 2023.

En effet, les juges ont rappelé que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté dès l’origine dans le cadre d’un CDI.

La requalification est prononcée par le Conseil de Prud’hommes, on va considérer que le salarié a été embauché en CDI et non en CDD, ce qui va lui ouvrir un certain nombre de droits supplémentaires.

Ainsi, le but de la requalification d'un CDD en CDI est de protéger le salarié.

Le CDD est alors réputé ne jamais avoir existé car la requalification a un effet rétroactif et immédiat.

En ce sens, les sommes perçues par les  salariés dans nos cas d'espèces  (1) (2), pour compenser  la situation dans laquelle ils étaient placés du fait de leurs contrats à durée déterminée, leur restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

Icone dossier rougeJe veux en savoir plus sur le contrat à durée déterminée

A quelles indemnités peut prétendre le salarié si son CDD est requalifié en CDI ?

Le salarié a le droit à une indemnité de requalification dans le cas ou le CDD a été suivi d'une embauche en CDI ou si le contrat s'est poursuivi  après le terme prévu. Cette indemnité ne peut être inférieure à un mois de salaire et correspond au dernier salaire perçu ou la moyenne des salaires perçus.

En l'espèce, la Cour de Cassation a constaté dans l'arrêt du 8 mars 2023 (1) ,que la Cour d’appel avait fixé la rémunération de base de la salariée à 2 215,89 euros par mois en raison de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet. 

Dès lors, l’indemnité de requalification ne pouvait pas être inférieure à ce montant de 2 215,89 euros car le montant minimum de l’indemnité de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale.

De plus , le salarié peut prétendre à des rappels de salaires au titre des périodes qui ont séparé les différents CDD irréguliers dès lors qu'il prouve être resté à la disposition de son employeur pendant les périodes intermédiaires.

En principe l'indemnité de précarité est due au salarié lorsque le CDD se termine et n'est pas reconduit en CDI. Ainsi, un salarié qui a obtenu la requalification de son CDD en CDI conserve l'indemnité de précarité qu'il a perçu avant la requalification.

Le fait de requalifier un CDD en CDI a aussi des conséquences sur l'ancienneté du salarié.

Le salarié bénéficie d'une reprise intégrale de son ancienneté en cas de requalification. L'ancienneté du salarié débutera au jour de sa première embauche, et ce même si les CDD successifs ont étés séparés par des périodes d'inactivité.

Pour finir, le salarié qui obtient la requalification de son CDD en CDI peut prétendre à des dommages et intérêts s'il démontre l'existence d'un préjudice subit.

Si un CDD est requalifié en CDI, les règles qui s'appliquent pour la rupture du contrat de travail sont celles du licenciement. Le salarié pourra donc prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés et l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

En l'espèce, dans le deuxième arrêt  du 8 mars 2023 (2) ,  les juges sont venus définir les effets d'une requalification de la relation contractuelle en CDI. En effet, ils requalifient le CDD en CDI et énumèrent les droits auxquels le salarié pourra prétendre à savoir :  

  •  des rappels de prime d'ancienneté , de fin d'année et de sujétion sans que soit prise en compte les sommes déjà versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base;
  • les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base d'intermittent qui lui sont acquises doivent être prises en compte pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
  • l'indemnité de préavis doit être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleurs permanent qui lui a été reconnu.

(1) Cass . soc 8-2-2023 n° 21-16.824

(2) Cass . soc. 8-2-2023 n°21-17.971

(3) Article L1242-1 du code du travail

(4) Article L1242-2 du code du travail

(5) Article L1242-3 du code du travail

(6) Article L1242-6 du code du travail

(7) Article L1242-7 du code du travail

(8) Article L1242-8 du code du travail

(9) Article L1242-12 du code du travail

(10) Article L1243-11 du code du travail

(11) Article L1243-13-1 du code du travail

(12) Article L1244-3-1 du code du travail

 

Photo : Pixabay