Paris est sur le point de vivre l'événement le plus important jamais organisé en France : les Jeux Olympiques de 2024. En effet, ces derniers se tiendront du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre pour les Jeux Paralympiques.
Pour autant, cette réunion d'envergure mondiale suscite d'importants questionnements en matière de droit du travail.
Quel est l'impact des JO sur le droit du travail ?
Bon nombre d'entreprises, principalement basées en Île-de-France, vont voir leur activité particulièrement affectée par la tenue des Jeux Olympiques.
L'impact économique
Force est d'admettre que les Jeux Olympiques représentent une véritable opportunité d'ordre économique pour certaines entreprises. En effet, les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration, du transport, du nettoyage et de la sécurité vont être concernés par des retombées économiques d'une importance considérable.
Néanmoins, l'impact économique n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail des salariés concernés.
L'impact sur la productivité et la mobilité
Il est certain que l'organisation des Jeux Olympiques en France entraine de véritables perturbations liées aux restrictions de circulation. Beaucoup de routes vont être fermées pour l'occasion et le trafic risque de fortement augmenter. Les salariés vont donc voir leurs déplacements entre leur domicile et leur lieux de travail particulièrement impactés. En effet, leur durée sera allongée, ce qui impliquera de nombreux retards.
En outre, dû à un véritable accroissement temporaire d'activité, les horaires vont nécessairement être augmentés. Les salariés vont ainsi effectuer des heures supplémentaires et risquent de voir une partie de leurs repos suspendue. En conséquence, il sera bien plus difficile d'assurer l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Comment adapter le travail pendant les JO ?
La mobilisation de l'activité partielle
Le ministère du Travail vient préciser les règles applicables au recours à l'activité partielle à l'occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) (1).
Hormis quelques cas exceptionnels, notamment dans le secteur du BTP, il n'est, en principe, pas possible d'avoir recours à l'activité partielle en période de Jeux Olympiques. En effet, le ministère du Travail appelle les entreprises dont l'activité est affectée par l'organisation des JO à privilégier des mesures alternatives à l'activité partielle.
Les entreprises doivent ainsi se tenir informées des restrictions de circulation imposées dans les zones de sécurité. Une liste de véhicules autorisés à circuler a été dressée par la préfecture de police, permettant finalement d'anticiper les déplacements durant les Jeux Olympiques.
Néanmoins, il convient de préciser que les entreprises dont l'activité est significativement impactée par ces mesures peuvent adresser une demande de mobilisation du dispositif d'activité partielle à la Direction Régionale Interdépartementale de l'Economie, de l'Emploi et des Solidarités (DRIEETS) sous réserve de justifier d'une baisse d'activité.
Par ailleurs, les entreprises contraintes de fermer en raison d'une mesure administrative pourront recourir à l'activité partielle, à la condition de démontrer une baisse d'activité liée à cette fermeture.
Le recours au télétravail
Face aux difficultés de circulation précédemment mentionnées, les entreprises pourront proposer à leurs salariés de recourir au télétravail pendant la période des épreuves olympiques.
Attention, toutefois, les Jeux Olympiques ne constituent pas en eux-mêmes une circonstance exceptionnelle nécessitant la mise en œuvre obligatoire du télétravail (2). En conséquence, l'employeur doit recueillir l'accord du salarié avant de mettre en place ledit dispositif.
Ainsi, il appartient à l'employeur de vérifier l'existence ou non d'un accord collectif d'entreprise ou d'une charte relative au télétravail afin de prendre connaissance des dispositions permettant sa mise en œuvre dans l'entreprise. A défaut, il pourra conclure un accord avec le salarié, notamment par le biais d'un avenant au contrat de travail.
Les congés payés
Dans le cadre des restrictions de déplacement liées au contexte particulier, l'entreprise peut être amenée à fermer le temps des épreuves olympiques. A ce titre, l'employeur pourra imposer aux salariés la prise de leurs congés payés, dans quel cas le comité social et économique (CSE) devra au préalable avoir été consulté, et les salariés informés au moins deux mois avant l'ouverture de la période de prise de congés.
Le refus du salarié de prendre ses congés durant ladite période constitue ainsi une faute justificative d'un licenciement.
Toutefois, les entreprises rencontrant un accroissement temporaire d'activité dû aux Jeux Olympiques pourront reporter les congés payés de leurs salariés sous réserve du respect d'un délai de prévenance d'un mois avant la date initiale de départ en congés.
L'adaptation des horaires de travail
Les entreprises ont la possibilité de prendre en considération les pics d'affluence dans les transports résultant des Jeux Olympiques. A ce titre, il est donc préférable d'organiser le travail en horaires décalés.
Ainsi, les salariés peuvent être autorisés à venir travailler plus tôt afin de quitter leur poste de travail plus tôt, ou bien plus tard à l'inverse.
Qu'il s'agisse d'une modification de l'horaire collectif applicable ou de la modification des heures d'ouverture de l'entreprise, il convient d'informer et de consulter le CSE.
Le travail du dimanche
Le législateur autorise l'ouverture de certains commerces le dimanche dans les villes au sein desquelles se dérouleront les épreuves olympiques ou dans les villes limitrophes à celles-ci (3).
Cette dérogation au repos dominical doit faire l'objet d'une autorisation préfectorale pour la période du 15 juin au 30 septembre 2024.
Il convient toutefois d'ajouter qu'il est impossible d'imposer le travail du dimanche ! En effet, l'employeur doit recueillir en amont l'accord écrit du salarié. A noter que le non-respect de cette règle peut entraîner pour l'employeur une sanction pénale (4).
La suspension temporaire du repos hebdomadaire
Au regard de l'accroissement d'activité rencontré par certaines entreprises à l'occasion des Jeux Olympiques, le ministère du Travail prévoit la possibilité de suspendre temporairement le repos hebdomadaire des salariés (5).
Ladite mesure concerne uniquement les établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail dans la réalisation d'activités essentielles au bon déroulement et au succès des JO.
La période concernée par cette possible suspension du repos hebdomadaires s'étend du 18 juillet au 14 août 2024.
Les heures de travail réalisées à cette occasions seront ainsi considérées comme des heures supplémentaires et donc rémunérées comme telles. De plus, un repos compensateur au moins égal à la durée du repos suspendu sera accordé aux salariés concernés par cette mesure dès la fin de la période mentionnée.
Il convient de préciser que l'employeur doit impérativement informer l'inspection du travail de la suspension du repos hebdomadaire avant qu'elle ne soit opérée.
Tout manquement de l'employeur sera bien entendu sanctionné d'autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés.
La modulation du temps de travail
Pour rappel, le droit du travail est très pointilleux en ce qui concerne la réglementation sur les durées maximales de travail et les temps de repos. De fait, la mise en œuvre de l'une des mesures susmentionnées implique le respect de la législation applicable en la matière.
Pour autant, les dispositions légales prévoient certains cas de dérogations pouvant être établies par voie d'accord collectif ou sur autorisation de l'inspection du travail.
Ainsi, à l'occasion des Jeux Olympiques, il est possible d'aménager les horaires de travail des salariés de la manière suivante :
- Porter la durée quotidienne maximale de travail de 10 à 12 heures selon l'urgence ;
- Porter la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 à 60 heures ;
- Porter la durée hebdomadaire moyenne de travail sur 12 semaines consécutives de 44 à 46 heures ;
- Réduire le repos quotidien de 11 à 9 heures.
Comment accéder aux zones sécurisées pendant les JO 2024 ?
Dans le cadre de l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Gouvernement a mis en place un Pass Jeux, à savoir un QR Code permettant de se déplacer dans certains périmètres de la ville et durant certaines périodes.
A ce titre, les salariés des entreprises impactées par l'organisation des JO devront parfois se procurer un Pass Jeux en formulant leur demande sur la plateforme créée à cette occasion par le ministère de l'Intérieur.
Pour autant, l'obtention de ce Pass ne constitue en aucun cas une obligation prévue par le contrat de travail. Il semble donc difficile de l'imposer au salarié. Dans le même temps, l'absence de Pass risque d'empêcher le salarié de réaliser les missions qui lui sont confiées et ainsi entraîner une suspension de sa rémunération.
Il appartient donc à l'employeur de vérifier si une réorganisation du travail des équipes est possible afin d'éventuellement confier d'autres missions au salarié dépourvu de Pass Jeux.
Enfin, les représentants du personnel devront demander le Pass Jeux afin de concilier leur liberté de circulation garantie par le Code du travail et l'accès aux zones protégées prévu par le Code de la sécurité intérieure (6).
Sources :
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