Lorsque le salarié commet des faits qui lui sont reprochables au sein de l'entreprise dans laquelle il évolue, il s'expose à une possible mise à pied décidée par son employeur. Il convient cependant d'être vigilant au sujet de la mise à pied car il en existe deux types, et les effets sont différents.
Par ailleurs, récemment la Cour de cassation a rendu un arrêt au sein duquel elle rappelle les règles applicables à la mise à pied.
Qu'est-ce que la mise à pied ?
Lorsqu'il est question de la mise à pied d'un salarié, il convient de préciser s'il s'agit d'une mise à pied décidée à titre de sanction disciplinaire (mise à pied disciplinaire), ou bien décidée dans la mesure où les faits reprochés au salarié sont d'une telle importance qu'ils justifient la mise à l'écart immédiate de ce dernier (mise à pied conservatoire).
Mise à pied disciplinaire
La mise à pied disciplinaire est une sanction prononcée à l'égard d'un salarié dans la mesure où celui-ci ne satisfait pas à la correcte exécution de sa prestation de travail.
Lorsque cette sanction est prononcée, le salarié visé par cette dernière se voit provisoirement suspendu de ses fonctions. Durant la suspension de son contrat de travail correspondante à sa mise à pied, il lui est interdit d'exercer ses attributions professionnelles. Sa rémunération se trouve ainsi supprimée durant le temps de la sanction.
Mise à pied conservatoire
Lorsqu'un salarié commet des faits (*) dont la nature est telle que cela justifie son écart immédiat de l'entreprise, l'employeur peut décider de prononcer à son égard une mise à pied dite « conservatoire ».
- (*) A titre d'exemple, il peut s'agir :
- De simples faits de violence physique (ou morale) ;
- D'agissements frauduleux ;
- Ou encore, de comportements néfastes entretenus à l'égard des clients.
Généralement, les employeurs décident de recourir à la mise à pied conservatoire lorsqu'il est envisagé à l'égard de l'un de leurs salariés d'engager une procédure de licenciement(*) pour faute grave ou lourde.
(*)Il convient de se reporter au Code du travail et aux conventions collectives pour relever quelles sont les dispositions applicables en la matière. Ainsi par exemple, les conventions collectives suivantes comprennent des dispositions relatives au licenciement :
Quelle est la procédure applicable ?
Mise à pied disciplinaire
L'article L. 1332-2 du Code du travail prévoit la procédure à suivre dans le cadre de la mise à pied disciplinaire d'un salarié.
Ainsi, la procédure à suivre en cas de sanction disciplinaire est la suivante :
- Convocation du salarié par l'employeur afin de lui préciser l'objet de sa convocation ;
- Audition du salarié durant laquelle il peut choisir de se faire assister par la personne de son choix à condition qu'elle appartienne au personnel de l’entreprise ;
- Exposition du motif de sanction qui est envisagé ;
- Recueillement des explications du salarié ;
- Envoi de la sanction motivée et notifiée à l'intéressé au minimum 2 jours après la date de l'entretien, sans pouvoir excéder 1 mois.
Mise à pied conservatoire
Contrairement à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire n'emporte pas l'obligation de procéder à la tenue d'un entretien préalable. En effet, cette mise à pied n'est pas une sanction, mais une mesure conservatoire, d'où la raison pour laquelle elle n'est pas précédée d'un entretien préalable.
Comme il a pu l'être indiqué précédemment, la mise à pied conservatoire peut être décidée lorsque l'employeur envisage de procéder au licenciement du salarié pour faute grave ou faute lourde.
Ainsi, en termes de procédure applicable, ce n'est qu'à compter du moment où le licenciement est décidé par l'employeur que celle-ci s'enclenche.
Toutefois, il convient de veiller à ce que le temps qui s'écoule entre la décision de mise à pied conservatoire et l'enclenchement de la procédure de licenciement pour faute grave ou lourde ne soit pas pas trop long sous peine pour la Cour de cassation de caractériser une double sanction.
Lettre de licenciement après entretien préalableQuand est il de l'arrêt maladie concomitant avec la mise à pied ?
L'employeur a la possibilité de sanctionner le comportement fautif du salarié pendant son arrêt maladie pour des faits commis avant ou pendant celui-ci.
Néanmoins il doit veiller à respecter le délai de prescription des faits fautifs qui est fixé à 2 mois.
Mise à pied disciplinaire
Si la mise à pied disciplinaire a été notifiée au salarié avant même qu'il soit placé en arrêt maladie elle ne peut pas être reportée par l'employeur à l'issue de l'arrêt.
En effet, dans cette hypothèse, la mise a pied est considérée comme la cause première et déterminante de l'absence. Ainsi , le salarié en arrêt maladie le jour où débute la mise à pied doit être considéré comme entrain d'exécuter sa sanction disciplinaire.
Attention, si l'employeur rapporte aux juges la preuve de la fraude du salarié qui fourni un "arrêt de complaisance" dans le but d'échapper à la sanction disciplinaire, il sera en droit de différer l'exécution de la sanction au retour du salarié dans l'entreprise.
Comme il s'agit d'une mise à pied disciplinaire qui entraine une suspension du contrat de travail pendant un temps déterminé , l'employeur n'est pas tenu de maintenir le salaire pendant la période ou la mise à pied et l'arrêt coïncide. Le salarié percevra uniquement les indemnités journalières de la Sécurité sociale.
Mise à pied conservatoire
Dans les mêmes conditions que la mise à pied disciplinaire, un salarié en arrêt pendant une mise à pied conservatoire est considéré comme étant entrain d'exécuter sa mise à pied.
Dans l'hypothèse d'une mise à pied conservatoire, l'employeur est dispensé de verser une rémunération à son salarié puisque le contrat de travail est suspendu.
Cependant, si la mise à pied a été prononcée à tort, l'employeur à le devoir de verser à son salarié la rémunération correspondante et ce, même si celui-ci était en arrêt maladie et a perçu des indemnités journalières de Sécurité sociale (1). L'employeur ne doit pas déduire de la rémunération du salarié les IJSS perçues au titre de son arrêt.
Quelle décision la Cour de cassation a-t-elle rendue le 14 avril 2021 à ce sujet ?
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision en date du 14 avril 2021 au sein de laquelle elle s'est prononcée sur le délai courant entre la date de suspension du contrat de travail du salarié, et la date à laquelle la procédure de licenciement a été engagée.
Les faits
En l'espèce, le salarié s'était vu prononcer à son encontre une mise à pied conservatoire qui ne s'était pas immédiatement suivie de l'enclenchement du début de la procédure de licenciement décidée au vu des faits fautifs qu'il avait commis. En effet, un certain temps s'était écoulé entre sa mise à pied conservatoire (datant du 8 septembre 2015) et sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement (15 septembre 2015), soit 7 jours au total.
La décision
La Cour de cassation a jugé que le temps qui s'était écoulé entre la mise à pied du salarié et sa convocation à l'entretien préalable de licenciement était trop long, et que par conséquent :
- La mise à pied conservatoire s'analysait plutôt en une mise à pied disciplinaire, et non pas en une mise à pied conservatoire ;
- De sorte que les juges de cassation relèvent qu'au final le salarié s'est vu prononcer une double sanction à son encontre, ce qui est contraire à l'article L. 1332-1 du Code du travail.
En effet, il n'est pas permis de prononcer une double sanction à l'égard d'un salarié fautif. Or, dans la mesure où la mise à pied s'analyse plutôt en une sanction disciplinaire, et non plus en une mesure conservatoire, le fait pour l'employeur de décider d'enclencher la procédure de licenciement du salarié quelques jours après son placement en mise à pied conservatoire s'analyse au regard de la Cour de cassation en une double sanction, ce qui est interdit.
(1) Cas. Soc 18 février 2016 n°14-22.708
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