Lors d’un arrêt rendu le 25 septembre 2024, la chambre sociale de la cour de cassation a déclaré la nullité d’un licenciement pour faute grave prononcé contre un salarié qui envoyait des mails à caractère sexuel à des collègues avec son mail professionnel et au cours de ses heures de travail.
Cette nullité a été déclarée sur le fondement de la protection de la vie privée des salariés ce qui peut paraître particulièrement étonnant au vu du caractère sexuel des mails interceptés !
Ce genre d’affaire donne à réfléchir sur la perception de la faute grave et du licenciement pour faute grave.
Quelle est la définition du licenciement pour faute grave ?
Quelle différence entre la faute simple et la faute grave ?
La principale différence entre la faute simple et la faute grave se situe au niveau de la gravité des faits commis par le salarié.
Alors qu’une faute simple se caractérise par son caractère léger et relatif, la faute grave est, par définition, plus lourde de gravité. Elle entrave directement le bon fonctionnement de l’entreprise ce qui nécessite de sanctionner le salarié et de l’éloigner de son poste de façon temporaire ou définitive.
La différence entre ces deux fautes se perçoit aussi lors de la mise ne place du licenciement.
Un licenciement pour faute simple étant considéré comme moins grave permet au salarié d’être maintenu au sein de l’entreprise jusqu’à l’effectivité de son licenciement, alors que la faute grave, elle, peut nécessiter la prononciation d’une mise à pied disciplinaire ou conservatoire et la non-réalisation du préavis.
Aussi, le licenciement pour faute simple étant moins sanctionné, le salarié licencié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis ou une indemnité de licenciement alors que le salarié licencié pour faute grave n’y a pas le droit.
Exemples : L'absence injustifiée si elle n'est pas répétée est une faute simple alors que l'ébriété sur le lieu de travail est une faute grave.
Quelle différence entre faute grave et faute lourde ?
La différence entre la faute grave et la faute lourde se trouve dans le caractère intentionnel de la faute commise par le salarié.
Lorsqu’un salarié commet une faute au cours de l’exercice de ses fonctions, celui-ci peut le faire soit de façon non-intentionnelle, ce qui caractérise une faute grave, soit de façon intentionnelle, ce qui caractérise une faute lourde.
La différence procédurière entre les deux n’existe plus, aussi un licenciement pour faute grave interviendra dans les mêmes circonstances qu’un licenciement pour faute lourde.
Exemples : L'ébriété sur le lieu de travail est une faute grave alors que la dégradation volontaire des locaux ou le vol de matériel de l'entreprise est une faute lourde.
Comment définir clairement la faute grave ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 septembre 2007, définit la faute grave comme un ou des faits fautifs imputables à un salarié consistant à une violation des obligations qui découlent de son contrat de travail, de sa convention collective, de son règlement intérieur, des consignes de sécurité ou du Code du travail. Ce fait ne doit pas revêtir un caractère intentionnel et rendre impossible son maintien au sein de l’entreprise.
Rappel : il faut faire scupuleusement attention à la qualification de la faute afin d'éviter une éevtnuelle requalification du liciement pour faute grave en licenciement abusif par le Conseil des prud'hommes.
Comment intervient un licenciement pour faute grave ?
Quels sont les exemples de motifs de faute grave ?
Lorsque le salarié commet une faute grave, cela sous-entend qu'il a participé à la violation des obligations auxquelles il est tenu envers son employeur dans le cadre de l’exercice de sa profession.
Le licenciement pour faute grave a déjà été prononcé et reconnu par les juridictions dans les cas suivants :
- L'état d'ivresse du salarié pendant son temps de travail ;
- L'abandon de poste réalisé par le salarié ;
- Les absences répétées du salarié ;
- L'indiscipline manifeste du salarié, ou son refus d'obtempérer aux missions qui lui sont confiées par son employeur (insubordination) ;
- Le harcèlement moral ou physique réalisés à l'encontre des autres salariés de l'entreprise ou de l'employeur ;
- L'acte de vol au sein des locaux de l'entreprise pour laquelle le salarié travaille.
- Etc.
Quelle forme prend la procédure d’un licenciement pour faute grave ?
En cas de faute grave, il convient pour l'employeur de suivre la procédure de licenciement pour faute applicable au licenciement pour motif personnel tout en ajoutant les précisions liées au caractère fautif du licenciement, à savoir :
- Convocation du salarié fautif à un entretien préalable en respectant les délais et les formes ;
- Réalisation de l’entretien préalable en respectant les délais et les formes ;
- Notification la décision de procéder à un licenciement pour faute grave en respectant les délais et les formes.
Les exemples ci-dessus s'apprécient en tant que liste non exhaustive. Nous tenons à vous rappeler que des délais et des formes précises sont à respecter impérativement et sont prévus par la loi et/ou par votre convention collective.
Quels sont les effets du licenciement pour faute grave ?
Quels documents récupérer après un licenciement pour faute grave ?
L’employeur, lors de quelque rupture qu’il soit, se doit de fournir les trois documents suivants au salarié :
- Certificat de travail ;
- Solde de tout compte ;
- Attestation France travail.
Ces trois documents ont pour objet d’aider le salarié pour l’obtention d’aides sociales ou vers sa future recherche d’un nouvel emploi.
Un salarié licencié pour faute grave a-t-il le droit au chômage ? Dans quel cas n’a-t-on pas le droit au chômage ?
Oui, la façon dont le salarié se retrouve licencié n’a pas d’influence réelle sur la perception du chômage. Dès lors que le salarié rempli les conditions pour accéder au chômage alors celui-ci peut en bénéficier.
Les seuls cas dans lequel un salarié n’a pas le droit au chômage est dans des cas précis de démissions.
Quelles indemnités en cas de licenciement pour faute grave ? Comment calculer les indemnités auxquelles l'on a le droit en cas de licenciement pour faute grave ?
Les dispositions légales prévoient que l'employeur n'est pas tenu au versement de l'indemnité de licenciement dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.
Cependant, il demeure possible que la convention collective applicable prévoie des dispositions conventionnelles plus favorables pour le versement de l'indemnité de licenciement en cas de faute grave, auquel cas l'employeur sera tenu de verser l'indemnité de licenciement.
Pour rappel : la loi précise que l'obtention d'une telle indemnité est conditionnée à ce que le salarié justifie d'au minimum 8 mois d'ancienneté au sein de son entreprise. Dès lors que cette condition est remplie, alors le salarié perçoit une indemnité légale calculée en mois de salaire et dont la formule de calcul est la suivante :
- 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté dans la limite des 10 premières années travaillées au sein de l'entreprise ;
- 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années travaillées au-delà de 10 ans.
Pour plus de précisions sur le calcul des indemnités de fin de contrat, n’hésitez pas à consulter notre article : Le calcul de l'indemnité de licenciement
Est-ce que le salarié est tenu d'accomplir sa période de préavis ? Est-ce que le salarié est éligible à l’indemnité compensatrice de préavis ?
Lorsqu’un salarié commet une faute grave, les faits sont tels que le maintien de ce dernier au sein de l’entreprise est impossible, sans qu’il n’y ait de risque d’altérer son bon fonctionnement. De ce fait, il n’est pas possible que le salarié réalise un préavis.
Ainsi, l’employeur se voit dans l’impossibilité de faire persister le contrat de travail du salarié en question et se doit de le licencier sans préavis pour le bien de son entreprise.
Le préavis est alors, par principe, irréalisable. Ainsi, le salarié ne peut pas prétendre à une compensation de préavis
Ainsi, dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute lourde, le salarié ne peut pas non plus percevoir d'indemnité compensatrice de préavis.
Est-ce que le salarié perçoit l'indemnité de congés payés ?
L’indemnité de congés payés est allouée par l'employeur à son salarié dans la mesure où ce dernier n'a pas été en capacité de prendre l'intégralité de ses congés acquis au titre de l'année au cours de laquelle il a été licencié.
Une telle indemnité ne se voit pas touchée par l’intervention d’une faute de la part du salarié étant donné qu’elle est obligatoire pour tous et n’a rien à vous avec le comportement.
Ainsi, contrairement à l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, le licenciement pour faute grave n'impacte pas le versement de l'indemnité de congés payés.
Sources :
- Articles L.1232-1 à L.1232-14 du Code du travail – Licenciement pour motif personnel
- Articles L.1234-1 à L.1234-18 du Code du travail – Préavis et indemnité de licenciement
- Articles L.1234-19 à L.1234-20 du Code du travail – Documents remis par l’employeur
- Cour de cassation, chambre sociale, 25 septembre 2024, n° 23-11.860
- Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2007, n°06-43.867
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