Chaleur et canicule au travail : quels impacts sur les salariés ?

Actualités du droit

Photo de Mélanie Mary De Almeida
Par Mélanie MARY DE ALMEIDA 16 juin 2022
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Cette semaine, un nouvel épisode de fortes chaleurs, inhabituel en ce mois de mi- juin, est attendu sur le territoire national. Ce faisant, comme chaque année, avant la période estivale, le ministère du travail publie ses préconisations afin de protéger les travailleurs lors de fortes chaleurs.

Les niveaux de vigilance météorologique

Les épisodes de chaleur étant de plus en plus fréquents, le ministère des solidarités et de la santé a publié un guide spécifique, le guide ORSEC(Organisation de la réponse de sécurité civile), d'aide à la « gestion sanitaire des vagues de chaleur ».

Ce guide définit, par exemple, les situations recouvrant le terme « vagues de chaleur » :

Notion Définition Niveau de vigilance météorologique correspondante
Pic de chaleur Chaleur intense de courte durée (1 ou 2 jours). Jaune
Épisode persistant de chaleur Températures proches ou en dessous de des seuils départementaux et qui perdurent dans le temps (plus de 3 jours). Jaune
Canicule Période de chaleur intense pour laquelle les températures dépassent les seuils départementaux pendant 3 jours et 3 nuits consécutifs. Orange
Canicule extrême Canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son étendue géographique, à fort impact sanitaire, avec apparition d'effets collatéraux. Rouge

Ces situations présentent un risque sanitaire, pour les populations fragiles ou surexposées, notamment en raison de leurs conditions de travail ou de leur activité physique : déshydratation, épuisement, maux de tête, vertiges, crampes, propos incohérent, perte de connaissance, coup de chaleur, etc.

A noter que la surveillance météorologique est renforcée chaque année pendant la veille saisonnière (du 1er juin au 15 septembre) concernant le phénomène canicule.

Les précautions à prendre par l'employeur

L'administration vient rappeler, dans l'instruction n° DGT/CT1/2022/159 du 31 mai 2022 relative à la gestion des vagues de chaleur en 2022, les précautions et les outils à prendre par l'employeur en vue de prévenir et gérer les risques auxquels sont exposés les salariés durant les périodes de fortes chaleurs.

Il convient de noter également que le guide ORSEC, intègre et consolide les consignes en vue de protéger les travailleurs, notamment en cas de déclenchement de la vigilance rouge par Météo France.

Les mesures de prévention et de gestion

Au titre de son obligation de sécurité, « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L.4121-1 et suivants du code du travail).

Ce faisant, l'instruction du 31 mai 2022 et le guide ORSEC (FICHE O2. K) rappelle que l'employeur doit prendre les mesures suivantes :

  • Mettre à jour le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) en tenant compte des risques liés aux ambiances thermiques (article R. 4121-1 du code du travail) ;
  • Informer et sensibiliser les travailleurs sur les risques, les moyens de prévention, les signes / symptômes du coup de chaleur, les premiers secours, les mesures individuelles ou d'hygiène de vie (boire régulièrement de l'eau, se protéger la tête et les yeux contre le soleil, éteindre le matériel électrique non utilisé, etc.) ;
  • Informer l'inspection du travail en cas de situation anormale en lien avec des périodes de chaleur ;
  • Adapter l'organisation et l'aménagement du travail : aménager les postes de travail, la charge de travail, les horaires (horaires décalées, pauses fréquentes et/ou plus longues, etc.), privilégier le recours au télétravail, s'assurer que le port des protections individuelles est adapté aux périodes de fortes chaleurs, éviter le travail isolé, utiliser des aides mécaniques, etc. ;
  • Prendre en compte la période d'acclimatation nécessaire (au moins 7 jours d'exposition régulière à la chaleur), notamment pour les intérimaires, les nouveaux embauchés, les salariés de retour suite à une absence;
  • Aménager les locaux de travail : vérifier que les installations techniques permettent de limiter les effets liés aux fortes températures (renouvellement de l'air dans les locaux fermés (article R. 4222-1 et suivants du code du travail) etc.), mettre gratuitement à disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche (article R. 4225-2 et suivants du code du travail) et des ventilateurs, brumisateurs, humidificateurs, stores, abris en extérieur, aires de repos ombragés ou climatisés, etc.. En cas de non-respect de ces dispositions, une mise en demeure est possible (article L. 4721-1 du code du travail).
  • Déclarer tout accident du travail ;
  • Surveiller la température des locaux ;
  • S'informer : consulter quotidiennement le bulletin météorologique, prendre conseil auprès des services de santé au travail, etc.

Il convient de noter que le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, et l'INRS, proposent des dépliants informatifs à destination des employeurs et des salariés, notamment : « Les bons réflexes par fortes chaleurs », « Coup de chaleur au travail ».

Accéder au DUERP – pré-rempli

En cas de vigilance orange ou rouge par Météo France ou d'arrêté préfectoral ordonnant la suspension d'activité, les travailleurs peuvent bénéficier d'une indemnisation au dispositif de l'activité partielle ou de la récupération des heures perdues pour cause de canicule. Ces dispositifs ne sont pas cumulables.

Les mesures spécifiques à certains travailleurs

Pour rappel, la loi interdit à l'employeur d'affecter des jeunes (âgés d'au moins 15 ans et moins de 18 ans) « aux travaux les exposant à des températures extrêmes susceptibles de nuire à leur santé » (article D.4153-36 du code du travail). À défaut, en cas de constat par l'inspection du travail, le jeune travailleur est immédiatement retiré de cette affectation (article L. 4733-2 du code du travail). En cas de non-respect, l'employeur est passible d'une amende administrative (article L. 4752-1 du code du travail).

De même, une attention particulière doit être portée aux personnes travaillant en extérieur (BTP, travaux agricoles, restauration, boulangerie, etc.). L'employeur est tenu de suivre les recommandations liées à l'activation du Plan National Canicule.

Pour illustration, dans le secteur du BTP, l'employeur est soumis à des dispositions spécifiques, puisqu'il doit :

  • Aménager les postes dans la mesure du possible afin de protéger les travailleurs (article R. 4225-1 du code du travail) ;
  • Prévoir un local afin de les accueillir ou à défaut, des aménagements de chantiers (article R. 4534-142-1 du code du travail) ;
  • Mettre à disposition 3L d'eau potable et fraîche par jour et par travailleur (article R. 4534-143 du code du travail).

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L'exercice du droit d'alerte et de retrait

La loi ne donne aucune définition du travail à la chaleur. Toutefois, l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) considère que la chaleur peut constituer un risque pour le salarié dès lors que la température dépasse 30°C pour une activité sédentaire et 28°C pour une activité nécessitant une activité physique.

Si l'employeur ne prend aucune disposition ou que les mesures mises en œuvre apparaissent insuffisantes ou refuse les demandes d'aménagement du salarié, ce dernier peut exercer son droit de retrait.

Le droit d'alerte et de retrait (article L. 4131-1 et suivants du code du travail) suppose que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié. Ainsi, il est en droit d'arrêter ses activités et de se retirer de son poste de travail, et ce, sans encourir de sanction ni de retenue sur son salaire. Il s'agit d'une appréciation subjective, puisqu'il revient au salarié d'apprécier si les températures constituent une menace. L'employeur peut contester l'exercice de ce droit.

A noter que le représentant du personnel au comité social et économique (CSE) dispose également de ce droit d'alerte.

   

Lire : L’alcool au travail : que peut faire l’employeur ?

   

Photo : Freepik