Quid de l'indemnité de préavis d'un salarié qui a refusé un changement de ses conditions de travail ?
- Quelle est la différence entre une modification et un changement de condition de travail ?
- Est-ce que l'employeur peut changer les conditions de travail ?
- Comment refuser une modification des conditions du contrat de travail ?
- Quels sanctions possibles en cas de refus injustifiés de modification des conditions de travail ?
- Quand est due l'indemnité compensatrice de préavis ?
La cour de cassation a récemment apporté des précisions concernant l'indemnisation du préavis d'un salarié ayant été licencié à la suite de son refus de modifier ses conditions de travail.
Quelle est la différence entre une modification et un changement de condition de travail ?
Un contrat de travail légalement formé fixe le cadre de la relation professionnelle entre l'employeur et le salarié. En effet, c'est par le contrat de travail que les modalités de la collaboration entre les deux parties vont être déterminées. (1)
Dès lors, que se passe-t-il en cas de modification du contrat de travail ?
Deux hypothèses sont à envisager :
- La modification du contrat de travail porte sur un élément essentiel de la relation entre l’employeur et le salarié. La modification doit être approuvée par les deux parties. (2)
- Lorsque c’est un élément accessoire de la relation, on parle de simple changement des conditions de travail.
A titre d'exemple, les éléments essentiels nécessitant l'accord préalable du salarié, sont :
- Les fonctions ;
- La rémunération.
Les éléments accessoires représentatifs d'un changement des conditions de travail sont notamment :
- Le lieu de travail ;
- Les tâches ;
- Les horaires de travail.;
Est-ce que l'employeur peut changer les conditions de travail ?
Contrairement aux modifications du contrat de travail, pour lesquelles il est nécessaire d'obtenir l'accord des deux parties, l'employeur peut imposer les conditions de travail à son salarié.
En effet, cette modification fait partie du pouvoir de direction de l'employeur. Il peut donc modifier les conditions de travail de ses salariés sans obtenir leur accord.
Comment refuser une modification des conditions du contrat de travail ?
Le salarié peut s'opposer au changement des conditions de travail uniquement dans certains cas précis, et notamment :
- Si le salarié démontre que la décision de l’employeur a été prise pour une raison étrangère à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en œuvre au mépris de la bonne foi contractuelle (3). Il peut s'agir par exemple de l'hypothèse ou l'employeur a modifié les conditions de travail du salarié dans le but de nuire à ce dernier.
- Si le salarié démontre que ce changement porte une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos (4). A titre d'exemple, une mère célibataire d’un enfant en bas âge nécessitant des soins particuliers justifiés par un certificat médical présente un motif valable pour refuser le changement des horaires de travail (5).
Quels sanctions possibles en cas de refus injustifiés de modification des conditions de travail ?
Si le salarié s'oppose aux modification des conditions de travail sans motifs légitimes alors ce dernier s'expose à des sanctions d'ordre disciplinaire. Ces sanctions peuvent aller jusqu'à un licenciement.
Quand est due l'indemnité compensatrice de préavis ?
Lorsque que le contrat de travail du salarié en contrat de travail à durée indéterminée est rompu notamment par le biais d'un licenciement, un préavis doit, en principe, être réalisé par le salarié.
Une indemnité compensatrice de préavis sera versée par l'employeur si ce dernier dispense son salarié d'exécuter ledit préavis.
Cependant, dans une jurisprudence récente la cour de cassation a apporté des précisions concernant l'exécution du préavis en cas de licenciement suite au refus du salarié de modifier ses conditions de travail.
En l’espèce, un salarié, médecin psychiatre pour une association a été informé d’un changement de lieu de travail en raison d’une réorganisation. Son temps de travail allait être partagé entre deux sites, séparés par une distance de 17 km. Cependant, seul son lieu d'activité allait connaître une modification : son temps de travail effectif ainsi que sa rémunération allait rester inchangés.
Contre toute attente, le salarié a considéré ce changement comme une modification de son contrat de travail et a refusé de se rendre sur le nouveau site. Face à ce comportement, l'employeur a décidé de sanctionner son salarié par un licenciement pour faute grave. Le salarié a alors saisi le conseil de prud'hommes pour faire valoir ses droits.
La cour de cassation a alors confirmé que :
- Les modifications imposées par l'employeur relevait d'une simple modification des conditions de travail, et non pas d'une modification du contrat de travail. En effet, l'affectation du salarié sur le premier site n’était pas exclusive, et sa nouvelle affectation se situait dans le même secteur géographique ;
- Toutefois, le refus du salarié ne justifiait pas une faute grave puisqu'il ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise.
Se posait alors la question de la réalisation du préavis. La cour de cassation a alors affirmé :
- Qu'un salarié licencié pour un refus de modification des conditions de travail peut être contraint de réaliser son préavis en fonctions des nouvelles conditions de travail ;
- S'il refuse, alors ce dernier pourra être privé d'indemnité de préavis puisqu'il est responsable de l'inexécution de son préavis (6).
Sources :
(1) Article 1134 du code de civil
(2) Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 1996, pourvoi n°93-40966
(3) Cour de cassation, chambre sociale, 23 février 2005, n°03-42018
(4) Cour de cassation, chambre sociale, 3 novembre 2011, n°10-14702
(5)Cour de cassation, chambre sociale, 16 novembre 2016, n°15-23375
(6) Cour de cassation, chambre sociale, 24 octobre 2024 n° 22-22.917 F-D
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