Propos sexistes répétés au travail : Cause réelle de licenciement

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Par Kelly ARANCED 05 septembre 2024
Sommaire

Par un arrêt en date du 12 juin 2024 (1), la chambre sociale de la Cour de cassation confirme le licenciement pour faute d'un salarié, auteur d'agissements sexistes répétés envers d'autres salariées, et ce en dépit de la tolérance antérieure de l'employeur.

Comment définir l'agissement sexiste en entreprise ?

Le Code du travail définit l'agissement sexiste comme "tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant" (2).

Ainsi, il appartient à l'employeur de prévoir dans le règlement intérieur l'interdiction formelle des agissements sexistes au sein de l'entreprise. En effet, cela va de pair avec son obligation de sécurité envers les salariés, prévue, là encore, par le Code du travail (3).

L'employeur est-il tenu de faire cesser immédiatement les agissements sexistes ?

Dans l'affaire susvisée, il s'agissait d'un salarié ayant tenu des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants envers deux de ses collègues de travail. Après avoir été mis à pied à titre conservatoire, celui-ci a finalement été licencié pour faute simple.

Néanmoins, le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse par la Cour d'appel de Grenoble au motif que l'employeur avait bien eu connaissance des faits similaires qui se sont produits antérieurement sans pour autant engager une quelconque procédure disciplinaire.

Toute la difficulté de cette affaire repose alors sur le fait que les comportements sexistes ont d'abord été passés sous silence par l'employeur, ce dernier n'ayant prononcé aucune sanction à l'encontre de l'auteur des faits alors qu'il en avait bien été informé.

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Les propos sexistes répétés doivent-ils faire l'objet d'une sanction disciplinaire ?

La Cour de cassation se prononce, pour la première fois, au visa de l'article L. 1142-2-1 du Code du travail, instauré par la loi Rebsamen et définissant l'agissement sexiste. Elle juge, en définitive, que les agissements sexistes sont constitutifs d'une faute justifiant un licenciement et ce peu important l'attitude qu'a pu adopter l'employeur dans le passé.

Le respect essentiel de l'obligation de sécurité

Il est de jurisprudence constante de retenir la non-admissibilité des agissements tolérés pendant longtemps par l'employeur. La chambre sociale a notamment relevé en 2016 que le licenciement pour faute grave d'un salarié ayant eu, durant plusieurs années, un comportement agressif dans l'entreprise, sans jamais être sanctionné par l'employeur, était dénué de toute cause réelle et sérieuse (4).

Toutefois, ce principe n'est pas retenu dès lors qu'il en va de la santé et de la sécurité des salariés. En effet, la Cour de cassation a déclaré, à plusieurs reprises, que l'auteur de faits de harcèlement sexuel n'est pas immunisé contre un licenciement du fait de l'absence de réaction antérieure de l'employeur.

Pour exemple, la Haute juridiction a jugé en 2014 que le comportement de l'auteur d'un harcèlement sexuel est systématiquement qualifié de faute grave pouvant justifier un licenciement, qu'importe l'attitude adoptée par l'employeur en réponse à de tels faits (5).

Le caractère "répété" des comportements sexistes

La chambre sociale rend son arrêt du 12 juin 2024 au visa de l'article L. 1142-2-1 du Code du travail tout en relevant la répétition des propos sexistes tenus par le salarié. Pour autant, cela interroge car cette notion de "répétition" ne figure pas dans la définition de l'agissement sexiste. Elle est, en effet, plus souvent assimilée à celle du harcèlement sexuel (6).

Néanmoins, dans cette affaire, la répétition des propos sexistes a certainement permis à l'employeur de constater le caractère sérieux de la situation et donc de cesser toute indulgence pour engager une procédure disciplinaire à l'encontre de l'auteur des faits.

Vers une meilleure prise en considération du sexisme au travail ?

Force est de constater l'apport significatif de cet arrêt en matière de droit du travail, et plus précisément en ce qui concerne la lutte contre le sexisme en entreprise.

En effet, la Cour de cassation reconnait pour la première fois et de manière explicite que les agissements sexistes peuvent être constitutifs d'une faute justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cela n'était pas nécessairement le cas, à l'inverse des situations de harcèlement sexuel.

De plus, une telle décision renforce l'obligation de sécurité de l'employeur qui, même s'il a d'abord fait preuve de tolérance face à des comportements sexistes, demeure tenu d'assurer la protection de la santé physique et mentale de l'ensemble du personnel de l'entreprise.

Enfin, l'arrêt précise que l'absence de sanction ne diminue en aucun cas la gravité des faits commis. La décision des juges du droit devrait donc avoir un effet dissuasif de tout comportement inapproprié envers un autre salarié. Le bien-être en entreprise ne peut alors qu'être renforcé !

Sources :

Photo : Freepik